Septembre 2022
Brève Juridique

29/09 2022

Brève Juridique

 

 

L'actualité juridique de la commande publique

 

Publication de l’avis du Conseil d’Etat sur la modification « sèche » du prix
 

L’avis d’assemblée générale du Conseil d’Etat du 15 septembre 2022 relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique a été publié ce mercredi soir.
 

Cet avis qui était particulièrement attendu par les praticiens, s’inscrit dans un contexte de flambée des prix et de difficultés d’approvisionnement, rencontrées par la quasi-totalité des acteurs économiques, entraînant d’importantes difficultés d’exécution sur les contrats de la commande publique (voir notre article).
 

Pour faire face aux conséquences de cette crise, les acteurs de la commande publique s’interrogeaient principalement sur la possibilité de modifier les clauses financières desdits contrats.
 

Si la doctrine gouvernementale considérait que les modifications « sèches » des contrats de la commande publique heurtaient le principe d’intangibilité des prix¹, quelques précédents jurisprudentiels avaient semblé tempérer cette affirmation.
 

Ainsi, dans un souci de sécurité juridique, il devenait primordial de clarifier l’état du droit afin que les acteurs de la commande publique puissent connaître l’exacte étendue des leviers qu’ils peuvent mobiliser.
 

Pour l’essentiel, deux enseignements doivent être tirés de cet avis :
 

           Les parties peuvent modifier, sous certaines conditions, les clauses financières des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles.

•           Le droit à indemnité du cocontractant sur le fondement de la théorie de l’imprévision, dont le cadre juridique est précisé, n’exclut pas une modification contractuelle pour faire face à des circonstances imprévisibles.

 

L’admission de la modification des conditions financières ou de la durée des contrats

 

Le Conseil d’Etat nous apprend tout d’abord que le principe d’intangibilité du prix, au titre duquel le prix contractualisé ne peut en principe être modifié, n’est pas absolu et connaît des limites.
 

Dans cette optique, le code de la commande publique offre en effet trois possibilités de modification des contrats :
 

•           L’application d’une éventuelle clause de réexamen, conformément aux articles R.2194-1 et R.3135-1 du CCP.

•           Les modifications pour circonstances imprévisibles qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir, fondées sur les articles R.2194-5 et R.3135-5 du CCP.

•           Les modifications de faible montant, fondées sur les articles R.2194-8 et R.3135-8 du CCP.
 

1)   La modification pour circonstances imprévisibles qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir
 

Le Conseil d’Etat considère que les articles R.2194-1 et R.3135-1 du CCP autorisent une modification d’un contrat de la commande publique qui ne porterait que sur le prix, les tarifs, les conditions d’évolution des prix ou les autres clauses financières sans que cette modification ne soit liée à une quelconque modification des caractéristiques et des conditions d’exécution des prestations.
 

La modification doit être rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir et ce, dans le but de compenser les surcoûts imprévisibles supportés par le cocontractant.
 

Il est précisé qu’une modification pour circonstances imprévisibles peut être envisagée par les parties sur le fondement de cet article, sous réserve que :
 

•           La modification soit justifiée par des circonstances imprévisibles dont les conséquences onéreuses excèdent ce qui pouvait être raisonnablement prévu par les parties ;

•           La modification soit limitée à ce qui est nécessaire pour faire face aux circonstances imprévisibles. A ce titre, la modification ne doit pas remettre en cause de manière indue ou injustifiée les conditions de la mise en concurrence initiale, ni contrevenir au principe d’interdiction des libéralités, à l’exigence constitutionnelle de bon usage des deniers publics, ni au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

•           La modification n’excède pas 50% de la valeur initiale du contrat (seuil s’appréciant modification par modification…).

Il est également indiqué que la compensation des surcoûts peut aussi prendre la forme d’une prolongation du contrat.
 

2)   Les modifications de faible montant
 

Les modifications « de faible montant », fondées sur les articles R.2194-8 et R.3135-8, sont celles dont le montant est inférieur aux seuils européens et à 10 % du montant du contrat initial pour les marchés de services et de fournitures et les contrats de concession ou à 15 % du montant du marché initial pour les marchés de travaux, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si elles répondent à la définition d’une modification non substantielle.
 

Le Conseil d’Etat relève que « les parties sont libres de procéder, si elles le souhaitent d’un commun accord, à la compensation de toute perte subie par le cocontractant même si cette perte ne suffit pas à caractériser une dégradation significative de l’équilibre économique du contrat initial ».
 

Les cocontractants peuvent ainsi modifier les clauses financières du contrat à la seule condition de respecter ces seuils.
 

3)   Les modifications non substantielles, quel que soit leur montant
 

Si la modification envisagée par les R.2194-7 et R.3135-7 paraît alléchante du fait de sa plasticité, le Conseil d’Etat précise néanmoins qu’elle ne saurait être mobilisée en lieu et place des hypothèses citées précédemment.
 

En effet, si ces modifications non substantielles du contrat ne comportent pas de limite en montant, mais ne sauraient permettre aux parties de modifier l’objet du contrat ou de faire évoluer en faveur de l’entrepreneur, d’une manière qui n’était pas prévue dans le contrat initial, son équilibre économique tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements, les prix ou les tarifs…

 

L’articulation avec la théorie l’imprévision
 

Il est rappelé que les parties peuvent conclure, sur le fondement de la théorie de l’imprévision, une convention d’indemnisation dont le seul objet est de compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire ou le concessionnaire en lui attribuant une indemnité (CE, 17 janvier 1951, Hospices de Montpellier, n° 97613).
 

Cette théorie n’exclut pas une éventuelle modification du contrat. En effet, l’indemnité d’imprévision peut se combiner avec une modification du contrat si cette dernière n’a pas été de nature à résorber la totalité du préjudice d’imprévision subi par le titulaire.
 

A la différence des modifications contractuelles qui requièrent le consentement préalable de l’administration, l’indemnisation de l’entreprise sur le fondement de la théorie de l’imprévision lui est octroyée de plein droit. Et surtout, le montant de l’indemnisation qui en résulte n’est pas limité à 50% du montant initial du contrat…
 

Enfin, selon le Conseil d’Etat, l’indemnité d’imprévision peut être formalisée via la conclusion d’un protocole transactionnel mais également d’une convention ad hoc.

 

[1] Voir notamment le Guide de la DAJ « Le prix dans les marchés publics » de 2013 et la circulaire du Premier ministre n°6338-SG du 1er avril 2022.

Les textes cités sont disponibles sur notre site Extranet, rubrique « Infos Juridiques ».

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